Francis Poulenc | D’après le livret éponyme de Jean Cocteau
Production Opéra de Tours
ArtemOise et la Compagnie Sophie Arnould proposent une version de ce spectacle adaptée à des lieux sans fosse d’orchestre.
Poulenc, avec le monologue dramatique de La Voix humaine sur le texte de Jean Cocteau, brosse toute une gamme de sentiments : de l’amour à la jalousie, du courage à la peur, de la tendresse à la colère, de l’espoir fou au profond désespoir. C’est le kaléidoscope de la rupture amoureuse, à l’époque du téléphone… et bien avant les SMS ! Quarante minutes de tragédie sur le fil…
Le rideau découvre une chambre de meurtre. Devant le lit, par terre, une femme, en longue chemise, étendue, comme assassinée. Silence. La femme se redresse, change de pose et reste encore immobile. Enfin, elle se décide, se lève, prend un manteau sur le lit, se dirige vers la porte après une halte en face du téléphone. Lorsqu’elle touche la porte, la sonnerie se fait entendre. Elle s’élance. Le manteau la gêne, elle l’écarte d’un coup de pied. Elle décroche l’appareil.
De cette minute, elle parlera debout, assise, de dos, de face, de profil, à genoux derrière le dossier de la chaise-fauteuil, la tête coupée, appuyée sur le dossier, arpentera la chambre en traînant le fil jusqu’à la fin où elle tombe sur le plat à plat ventre. Alors, sa tête pendra et elle lâchera le récepteur comme une pierre.
Jean Cocteau
Mise en scène :
Décors
Elsa EJCHENRAND
Costumes
Élisabeth DE SAUVERZAC
Création Avril 2015 – 3 représentations, les 10, 12 et 14 avril 2015 à l’Opéra de Tours.
Dur de devoir applaudir, chargé de tant d’émotion, comme on aimerait « observer » le silence qui s’installe en soi après cette épreuve de transformation. Car ce n’est pas un anéantissement auquel nous convie la musique. Non, pas de gisante, une femme debout. Oui elle a du courage, elle « meurt » droite à son destin après avoir tout consommé, tout soldé. Mais peut être n’est elle morte qu’aux entraves de son amour et la voici de nouveau en pied, elle qui nous était apparue couchée comme une bête blessée. Elle est à nouveau maître de son espace intérieur ,de son radeau devenu navire, larguées les amarres, coupés les liens qui formaient les barreaux de sa cage. Ses draps brûlés de lumière blanche sont comme une pellicule photographique irradiée, surexposée où s’efface toute emprunte du passé. Purification par le feu du chant d’adieu et de renonciation.
Beau l’androgynie du personnage qui rappelle discrètement que ce pouvait aussi être l’histoire d’un homme.
L’Heure Espagnole vient à point délier les tensions de la Voix Humaine. Dans cet atelier tour à tour ludique et inquiétant les personnages tels des automates sortis d’un carillon à échelle humaine, sont (re)tenus par d’invisibles ficelles, suspendus et manipulés par le machiavélique Totor, tout comme ces engrenages, boules et contrepoids qui oscillent entre lumière et obscurité. Comédie horlogère soutenue par un tic tac obsédant, celui d’un pouls qui nous rappelle à la vie.Nicolas Aubagnac